top of page

Rapport du séjour passé  du  10 février  au 10 mars 2025

Vols et transits sans incident entre Genève et Dhaka, avec la magie de parcourir dans les airs, en une dizaine d’heures seulement  près de 10 000 km… sans même  pédaler.

Dhaka : moiteur et brumes…cohue et chantiers en tout sens, rien de nouveau.

Ouf, il reste encore des bateaux entre la capitale et Barisal pour une nuit de ‘’croisière’’ reposante plutôt qu’un autobus furieux, rugissant entre les deux villes, véhicule qui les relie les deux villes  désormais en 5 heures, grâce à un nouveau pont d’une vingtaine de km franchissant la Meghna. Puis 4 heures de bus entre Barisal et Kajoulia avec inévitablement un pilote de course au volant…pour un trajet toujours plus rapide. Et finalement, l’émotion est toujours au rendez-vous lors des deux derniers km à pied et que soudain se détache au bout du chemin : Hachimouck, la ferme-orphelinat dans son écrin de rizières.

image.png

    Je suis ensuite happé par l’accueil. Béni par la flamme d’une lampe à huile, les pieds trempés dans un baquet à eau rouge pour de mes pieds nus fouler le sol et y laisser des empreintes bienfaitrices jusqu’au’ ’trône ‘’où l’on m’assoit. les rituels ne me laissent aucune échappatoire, aucun répit jusqu’au moment où, allongé sur ma natte, la nuit bien entamée, je réalise que pour la énième fois, me revoici au Bengale et sa puissante exubérance.L’hiver suisse est loin là-bas et si ici on me parle printemps, il fait encore +28 degrés à 18 heures et le soleil est déjà couché.

    Je suis donc immédiatement dans le bain : le bain de ce petit monde soutenu, aidé depuis bien des années, ma famille d’Orient, mes ‘’enfants ou plutôt petits enfants puisqu’on m’appelle ‘’Hervé Dadou’’, soit grand-père Hervé.

   Depuis l’an dernier, le changement principal est politique avec la fuite de la premier ministre  (Cheikha Hassina ), et un certain chaos , résultante classique des différents partis  trop contents de se démarquer pour le meilleur et surtout pour le pire. L’avenir le dira, pour l’instant, le prix Nobel de la paix (Mohamed Younes ) dirige le pays jusqu’à l’arrivée d’élection dont aucune date n’est encore évoquée.

Personnellement, à part quelques manifestations, la disparition des portraits et autres mosaïques  géantes d’Hassina et de son père, je  n’ai rien remarqué. Les campagnes ‘’profondes’’ semblent épargnées par la terrible recrudescence de la criminalité et vols qui gangrènent  les grandes villes…500 % plus élevé  à présent puisque la lutte contre la corruption est un des objectif actuel   et qu’elle engendre involontairement  un ‘’système de chaîne alimentaire ‘’ violent par ceux dont on ne graisse plus la patte. (Exemple, les policiers qui n’ont plus leur bakchiche , ferment les yeux .. etc… )

image.png

De grands travaux ont été réalisés depuis l’an dernier à Hachimouck : toute la faible charpente métallique, les tôles  ont été remplacées. (Imaginez la piètre qualité qui a fait qu’en 6 ans tout était rouillé à se rompre !) Les tôles restent en tôle mais par contre, la charpente a été refaite en  bois coûteux enduite d’huile de vidange contre la vermine- bois importé du …Nigeria puisqu’il n’y en a plus de locaux ! Un nouveau w.c.avec habituelle double fosse septique  ainsi qu’un espace douche pour les filles ont été adossé au bâtiment, débordant à l’extérieur du côté nord est sans empiéter sur l’intérieur. Ce, pour vous l’imaginez réduire la queue leu leu  qui se produit à certain moment. Dehors, les clapiers et autres petits baraquements ont été brûlés  (suite à des maladies) et remplacé par de véritables petits pavillons pour les petits animaux  qui sont très contents !

Tout est impeccablement tenu et pour ma venue, une fresque en rangoli a été peinte de l’entrée à la véranda sur une dizaine de mètres. Elle sera d’ailleurs repeinte- en deux jours- quelques jours avant la venue malheureusement annulée par divers imprévus  de membres de la fondation Lumilo qui nous soutient avec grand cœur.

Les enfants vont tous bien : plus de gale du tout, le long traitement aux antibiotiques  (neuf mois) a anéanti les terribles petits acariens. Régulièrement, la literie est étalée, aérée et chauffée par le soleil car le risque  d’une récidive sournoise est toujours présent dans ce pays. En effet,  nombre d’habitants sont contaminés. Un petit garçon, nommé Monodip (ce qui signifie douce île) a une sérieuse malformation de la colonne qui le rendra bossu si rien n’est fait, mais est-ce-opérable, et ou’, pour quel coût ?

 

Dans les imprévus : nous avons le maître Chamratte qui a disparu du jour au lendemain, parti travailler en Inde. Et également la maîtresse d’école enfantine, Hafiza,qui elle s’est mariée et se retrouve à Chittagong, bien trop loin d’ici !Aussitôt disparus , aussitôt remplacés par Benedict . Le nouveau maître  à approximativement 50 ans et de l’expérience, il vient d’un village hindou, à 20 km, Gopalpur (ne pas confondre avec la ville de Gopalganj) Il vit à Hachimouck et me semble correct capable et plein de bon sens. Benedict et tous ici  le nomment  à l’anglaise : sire ! Son nom est Rondjoune. Colsoum est le nom de la nouvelle maîtresse d’école enfantine qui elle vient de …Kajoulia.Dans la foulée, Bénédict a remplacé la cuisinière car elle utilisait trop d’huile. Kakima est le nom de celle-ci , ne pas confondre avec Kakouma qui veut dire grand-mère paternelle en Bengali.

image.png

Tout ce petit monde vaque sans faille à ses occupations, un véritable hameau bourdonnant selon un rythme effréné, extrêmement ponctuel imposé par Bénédict. Je ne vous répète pas l'horaire des journées car il est identique à l’an passé sauf le lever qui est passé de 6 heures 30 à 6 heures 15,pour avoir plus de temps pour s’occuper des animaux avant le début des classes à sept heures. Et ça n’est pas avant 22 heures voire 22 heures 30 sauf événement comme une Poudja , ou un groupe musical, que l’on rejoint les bras de Morphée, qui a bien sûr un autre nom dans cette contrée. 

 

L’autonomie de la ferme-orphelinat semble toujours une utopie dans le contexte actuel. Comme expliqué l’an dernier : le vol des terres au nord de la ferme –orphelinat nous contraint d’acheter du foin, le coût des aliments n’a pas baissé mais reste largement supérieur aux maigres gains  obtenus par la vente de poissons, éventuels fruits et œufs.

 

Le prix de vente du poisson lui a baissé car faussé par la surproduction phénoménale  obtenue justement par ceux qui ont volé les terres et transformé celle-ci en élevages intensifs…Exemple du système de pêche vu dans le bassin contigu à la ferme-orphelinat : trois pompes qui ont fonctionné en permanence pendant 15 jours,  jour et nuit pour vider complétement l’immense bassin et pêcher jusqu’à l’ultime poisson par une armadas d’ouvriers –pêcheurs engagés par les militaires.  A se demander si cela vaut encore la peine d’essayer d’en produire nous-même…

Il n’y a que le lait qui a un bon prix mais lorsque les vaches sont taries  et même si ça n’est pas le cas, les quelques litres ne représentent rien.

Donc, le miracle de la survie d’Hachimouck, plus que jamais dépend de nous. Mais quelle récompense pour les petits protégés accueillis : ça n’a pas de prix ! Et c’est ce qui compte pour nous, privilégiés de notre lointain pays.

Les temps changent à une vitesse inimaginable  au Bangladesh : en moins de dix ans, les chamboulements sont énormes, phénoménaux. Passer de la lampe à huile au téléphone portable, de l’habile tressage d’un panier à la réparation justement d’un téléphone portable avec une déconcertante facilité, ingéniosité comme si depuis toujours on faisait ça ! Progrès ou pas ? Ces cinq dernières années, le Bangladesh est entré à pleine vitesse dans l’ère de la moto, camions et même voitures et à Kajoulia les accidents quasi quotidiens sont souvent mortels…à en avoir plus peur que des cataclysmes naturels !

 

Le fanatisme religieux ne cesse de croître : les femmes en sari se font insulter, celle qui ont la ‘’tikal’’- marque religieuse sur le front, on leur crache dessus…Kajoulia résiste encore. Entre les communautés religieuses la tolérance est toujours là, les Bhauls  viennent à Hachimouck chanter et danser dans un syncrétisme hindou-musulman qui fait plaisir mais jusqu’à quand durera-t-il ? Alors que medias islamiques et fanatiques musulmans encouragent exactement le contraire. Depuis combien d’années, l’écrivaine Taslima Nasreen vit-elle cachée en Suède, elle qui depuis longtemps dénonça justement dans ses œuvres cette situation avec les fanat iques .Il y a eu un incident révélateur de cette menace qui plane : lors de la poudja de clôture (avec musiciens, danseurs, chanteurs qui offrent un véritable spectacle) la nuit tombée, trois individus armés de gourdins et sabres sont arrivés, menaçant, furax arguant que c’était le mois du Ramadan. . Ils se sont calmés, cela n’a pas dégénéré et ils sont repartis sans user de leurs armes, peut- être freinés par la présence d’une centaine de villageois, autant hindous que musulmans…Le risque est qu’ils reviennent en plus grand nombre et ils auront toujours gains de cause quoiqu’il advienne…ce n’est que le lendemain que Benedict m’a raconté  l’histoire car je n’ai rien vu ‘’prisonnier »  d’un siège  au premières loge de la fête , comme quoi, on ne sait jamais et les apparences sont trompeuses.

image.png

Car, Hachimouck est de plus en plus connue et jouit d’un prestige qui engendre aussi des jalousies et des aspects à la fois amusants mais bien gênants : l’aura des lieux attire des curieux qui débarquent, vont et viennent, pique-niquent, se prennent en photo, entrent à l’intérieur sans la moindre once de gêne ni de respect et sans demander. Il y a pourtant une clôture mais en journée on laisse le portail ouvert car les petits enfants n’arrivent pas à le manipuler. Les sans gênes sont chassés, heureusement que la grande route est à deux km et ralenti les intrus ; quoique avec l’arrivée des motos on pourrait rouler jusqu’ici.

 

Devra-t-on barricader les lieux avec un horrible mur ?

La vie poursuit son cours, les enfants grandissent et à la question que feras-tu quand tu seras grand ?  Garçons et filles me répondent : docteur, certains maîtres ou même footballeurs. Seul Monodip répond artiste –peintre.

Toute l’équipe entourant Bénédict se dévoue à poursuivre son œuvre et – à chaque fois- me répète de vous remercier chaleureusement et de venir  leur rendre visite,  

Le message est transmis.                     Vaux, avril 2025

Contact:

Association Kajoulia & Deslakati

Chemin du Village 5

1126 Vaux-sur-Morges

Hervé Schmidt

Email: hs.zigzag@gmail.com

Tél: +41.21.802.16.00

© 2023 by Nature Org. Proudly created with Wix.com

bottom of page